lundi 22 avril 2013

Et sinon, vous avez entendu parler de l'ANI ?

En ce moment, je travaille comme employée de restauration, un titre ronflant pour dire que je balaie, je nettoie et fais la plonge dans une cantine d'entreprise. Les gens sont gentils, ça me change un peu des gros mongoliens que j'ai été obligée de me fader ces derniers temps. C'est très physique, ça détruit les mains (je mets des gants roses, mais au bout d'un moment, l'eau rentre quand même et les doigts marinent en milieu humide), ça casse le dos, mais je suis en bonne forme et bouger un peu ma carcasse me fait plutôt du bien après ces longs mois pendant lesquels j'ai été prisonnière d'une chaise et d'un casque dans un centre d'appels. Et puis ça ne dure que quatre heures par jour, c'est largement suffisant pour entretenir sa forme...
 
Je remplace une dame, que je ne connais pas, qui est intérimaire depuis un bon bout de temps, et qui ayant trouvé une autre mission de trois semaines, l'a acceptée.
 
Pour ma part, je fais 60 kilomètres aller-retour pour aller travailler 4 heures. Je suis payée au SMIC (9,43 € brut/heure, pour ceux qui auraient des lacunes sur les données économiques de base). Vous connaissez le prix de l'essence, faites un rapide calcul. Vous y êtes ? Hé oui, vous avez bien compté : je lâche le montant d'une heure de travail par jour pour aller travailler.

Plus fort : ce boulot, je ne le fais pas tous les jours, parce qu'on ne fait appel à moi que lorsque le nombre de couverts le justifie. Depuis que j'ai commencé, j'ai travaillé en moyenne 4 jours par semaine, parce que c'est la saison haute en ce moment dans la boîte qui a recours à mes services. Je ne sais pas comment fait la dame que je remplace, en tout cas, moi je ne peux pas me permettre de travailler dans ces conditions.
 
Je viens d'expliquer à mes collègues (fort gentils, je le répète) qu'en venant travailler selon cette formule, je m'appauvrissais et que donc, je n'allais pas m'installer dans cette situation. En effet, ils étaient contents de moi et envisageaient de me proposer (sans que ce soit vraiment dit) de remplacer la collègue qui leur avait fait défaut. À l'heure où tant de monde est au chômage, ça paraît hallucinant de dire qu'on refuse un poste, je sais.
 
La comptable qui m'a proposé aujourd'hui, pensant me rendre un signalé service, deux jours de boulot pour la semaine prochaine et à qui j'ai opposé un refus argumenté et ferme est, je crois, encore sous le choc.
 
Avec ma collègue, on a discuté un peu flexibilité et précarité, elle était d'accord que venir travailler pour s'appauvrir, ce n'était pas vraiment une bonne chose. D'un autre côté, elle semblait perplexe : les futurs emplois, ce seront de toutes façons des missions en intérim et des contrats précaires, et les travailleurs vont devoir être flexibles.
 
J'ai répondu que, flexible, je l'étais depuis déjà un bon moment. Elle a opiné du bonnet et m'a dit : « C'est sûr que les patrons, ils ne se rendent pas compte. Ils ne voient pas les situations que ça crée pour les gens » « Je ne crois pas, j'ai répondu, alors du coup, il faut bien que, les comptes, moi, je les fasse. »
 
La dame que je remplace va donc vraisemblablement conserver son emploi précaire et pouvoir continuer à faire preuve d'une flexibilité à toute épreuve.
 
Petite remarque en passant : sa défection a été assez mal vécue, ce qui signifie qu'il faut être précaire, flexible et en plus ne surtout jamais faire défaut, sinon, on te jette sans état d'âme et on propose ton boulot au premier qui fait l'affaire.