lundi 31 mars 2014

« Je vous écris du bureau »

Cacahuètes, cacahuètes !

Ils sont deux et entrent en coup de vent dans le tram. Ils jettent des regards entendus autour d'eux et nous font partager à haute et intelligible voix  leurs fortes pensées :

« C'est une belle ville. Combien d'habitants ?
- 300 000.
- Ah oui quand même... Les immeubles sont très beaux, on comprend mieux pourquoi Juppé se sent à l'aise ici.
- Tu as vu le miroir d'eau ? C'est sympa, hein?»

Je me retiens violemment de m'établir ipso facto vendeuse de cacahuètes, tellement ces deux zigotos me font muter spécimen dans un zoo. Après m'avoir bousculée sans s'excuser (j'espère qu'il est clair que le savoir-vivre n'est pas leur qualité principale), ils s'assoient auprès de deux dames, absolument ravies de participer à cet échange crétin. Lorque le tram s'arrête aux Quinconces, les dames et les deux fâcheux se quittent enchantés d'eux-mêmes tandis que je me demande si je n'ai pas un peu mauvais esprit.

samedi 29 mars 2014

Pierre Bourdieu, c'est un punk, en fait...

« Des conseillers conjugaux aux vendeurs de produits diététiques, ceux qui font aujourd'hui profession d'offrir les moyens de combler l'écart entre l'être et le devoir-être pour tout ce qui touche à l'image ou l'usage du corps, ne pourraient rien sans la collusion inconsciente de ceux qui contribuent à produire un marché inépuisable pour les produits qu'ils offrent en imposant de nouveaux usages du corps et une nouvelle hexis corporelle, celle que la nouvelle bourgeoisie du sauna, de la salle de gymnastique et du ski a découverte pour elle-même, et en produisant du même coup autant de besoins, d'attentes et d'insatisfactions : médecins et diététiciens qui imposent avec l'autorité de la science leur définition de la normalité, « tables des rapports du poids et de la taille chez l'homme normal », régimes alimentaires équilibrés ou modèles de l'accomplissement sexuel, couturiers qui confèrent la sanction du bon goût aux mensurations impossibles des mannequins, publicitaires qui trouvent dans les nouveaux usages obligés du corps l'occasion de rappels à l'ordre innombrables (« surveillez votre poids », etc.), journalistes qui font voir et font valoir leur propre art de vivre dans les hebdomadaires féminins et les magazines pour cadres dorés qu'ils produisent et où ils se produisent, tous concourent, dans la concurrence même qui les oppose parfois, à faire progresser une cause qu'ils ne servent si bien que parce qu'ils n'ont pas toujours conscience de la servir ni même de se servir en la servant.

Et l'on ne peut comprendre l'apparition elle-même de cette petite bourgeoisie nouvelle, qui met au service de sa fonction d'intermédiaire entre les classes de nouveaux instruments de manipulation et qui détermine, par son existence même, une transformation de la position et des dispositions de la petite bourgeoisie ancienne, que par référence aux transformations du mode de domination qui, substituant la séduction à la répression, les relations publiques à la force publique, la publicité à l'autorité, la manière douce à la manière forte, attend l'intégration symbolique des classes dominées de l'imposition des besoins plus que de l'inculcation des normes. »

Pierre Bourdieu, La distinction.

vendredi 21 mars 2014

Big Brother is listening to U

Ces derniers temps, la peur du stalinisme est à son comble et tout citoyen attaché aux vraies valeurs de la République redoute que la Stasi ou les camps sibériens n'envahissent notre beau pays.

Les commerçants adoptent des airs doctes et hochent le chef avec componction afin de vous faire sentir à quel point il serait regrettable que les communistes ne renouvellent leurs sinistres expériences. 

Si vous vous aventurez à leur poser deux ou trois questions, vous constatez vite que leur connaissance de l'histoire reste fragmentaire et surtout empreinte d'une forte idéologie : « Faudrait pas que les feignants d'extrême-gauche viennent me retirer ce que j'ai acquis honnêtement et à la sueur de mon front et les peigne-culs qui confondent patron et ouvriers, faudrait les pendre haut et court. »

Citoyen, si tu souhaites affermir ta foi en l'idéal républicain en lui opposant des contre-exemples frappants et redoutables, pas la peine d'aller chercher outre-Rhin, la France a vécu une période dictatoriale il n'y a pas si longtemps, ça s'appelait le pétainisme, c'était affilié avec le nazisme, et acoquiné avec le franquisme et le fascisme. 

La dictature de la bêtise n'est-elle pas la plus dangereuse, finalement, on se demande, hein ?


jeudi 20 mars 2014

Entrez m'sieur dans l'humanité - J. Dutronc



♪♫ 

Parfois, les winneurs eud'la life 
fatiguent et ennuient. 

Vous aimeriez leur dire 
tout ce vous en pensez, 
de leur cirque, de leur foire 
et de leurs vanités. 

Mais leur problème majeur, 
c'est qu'à leurs yeux, personne 
- et vous moins que quiconque - 
n'est qualifié comme interlocuteur valab', 
dans la mesure où vous gagnez 
moins de tant par mois. 

Alors, vous économisez votre salive. 

Et vous fredonnez cette chanson.

mercredi 12 mars 2014

Maxim's - Serge Reggiani


Cette chanson signée Gainsbourg est venue sautiller narquoisement dans ma tête à l'écoute des infos, et en particulier de la bonne nouvelle du jour : le bien public, ça peut rapporter gros, jusqu'à  100 00 euros de bonus !

mardi 4 mars 2014

Ouf ! Youpi !

Ouf ! - J'ai parfois affaire à des personnes que le monde extérieur et ses rigueurs n'affolent pas. 

Elles jouissent d'un bureau, d'un casier et leur nom figure dans un organigramme, assorti de leur grade et de leur catégorie parce que leur environnement de travail est constitué de personnes qui leur ressemblent étrangement et que rien ne les effraie plus que de ne pas savoir où elles mettent les pieds.

Je ne les envie pas, je leur laisse leur confort et leur routine, leur petit monde un peu étriqué et leurs enjeux. Mais il faut reconnaître que c'est parfois très pénible de les voir à l’œuvre, abusant de leurs prérogatives et de la position enviable que leur procure la sécurité de leur situation dans un monde de plus en plus précaire. 

Aujourd'hui, j'ai eu droit aux airs satisfaits et gavés de deux d'entre elles, à leurs échanges de regards rassurés (« Heureusement, j'ai anticipé tout ça ! »), à leur dézingage en règle de la collègue malade que je remplace. 
 En les quittant, j'avais envie de gueuler des grossièretés. Je n'aurai pas à les voir trop souvent, ma précarité consistant entre autres à ne disposer ni de bureau ni de casier, ouf !

Youpi ! - J'ai trouvé un boulot qui m'éloigne du pondoir, de ses téléphones et de son affolante productivité  !