mardi 25 juin 2013

Alleluiah ! Hosannah !

Ce matin, j'avais rendez-vous avec Pôle Emploi.
Le dernier rendez-vous avait été plutôt rock'n'roll : une jeune femme surtout attentive à bien remplir les cases qu'on lui demande de remplir et qui te vous trouve deux offres d'emploi dans la seconde et vous oblige à y répondre même si c'est vraiment des trucs de merde, il faut que ça rentre dans les cases, quitte à filer des coups de latte dans tout ce qui dépasse... Et tiens puisque ça dépasse, on va la coller en suivi renforcé, ça lui fera les pieds ! Il est remarquable que pendant une période pendant laquelle je sombrais doucement mais sûrement, nul rendez-vous de Pôle Emploi n'est venu troubler la quiétude un peu morne des journées qui se ressemblaient si funestement... Mais là que j'ai repris du poil de la bête, les rendez-vous et les contrôles se succèdent...
Autant dire que je l'avais préparé comme il faut, le rendez-vous de ce matin : impression de toutes les annonces auxquelles je réponds et qui me répondent que désolée, mais ça ne va pas être possible (lorsque réponse il y a), regroupage de tous les contrats d'intérim en tant qu'employée de restauration que je viens d'accomplir, attestation d'inscription au CNED pour la préparation d'un concours, j'avais un gros dossier drôlement bien ficelé, j'étais armée jusqu'aux dents, Pôle Emploi, prépare-toi à mourir !
Je suis tombée sur une dame très agréable, qui n'a pas cherché à me dégoûter de moi-même ou à me donner des conseils merdeux (sport favori des gens qui côtoient des chômeurs, tellement eux ils savent comment il faut faire et comment à notre place ils s'en sortiraient tellement mieux), pas non plus cherché à me fliquer (du coup, j'ai insisté : « Mais si, Madame, regardez mon beau dossier avec toutes les annonces que je réponds et les intérims que je fais ! Allez quoi ! »)
Mais la dame, qui prononçait des mots bizarres (service public, assurance chômage, suivi et non contrôle), ne voulait pas. Elle a convenu que j'étais un peu trop autonome pour nécessiter un suivi renforcé et m'a gentiment demandé comment il se faisait que j'avais pris la décision de suivre les cours du CNED sans demander d'aide à la formation à Pôle Emploi.
Un peu suffoquée (à un moment, j'avoue, j'ai cru que c'était la caméra invisible, tellement l'attitude de cette gentille conseillère détone avec celle de ses collègues, bien dressés au contrôle et au fliquage, un peu moins compétents quand il s'agit d'accompagnement vers l'emploi), je lui ai expliqué que la dernière fois que j'avais demandé la prise en charge d'une formation, ça avait été tellement compliqué, ça avait tellement créé d'inextricables nœuds dans mon dossier que j'avais préféré me démerder toute seule, histoire d'économiser des sous (je m'en suis sortie avec un indû de 300 euros à devoir payer au final, tout ça parce qu'un blaireau m'a donné de mauvaises informations et n'a pas fait son travail), du temps, de l'énergie, toutes choses que je préfère ne pas trop gaspiller à l'heure actuelle en billevesées, coquecigrues, incongrueries et fariboles.
La dame m'a expliqué à quel point la notion de service public se galvaude (on en revient toujours au même point, c'est lassant, il fallait le dire c'est dit !), et que surtout, je ne renonce pas à faire valoir mes droits. Elle m'a vraiment scotchée ! Je lui ai serré la main en partant, émue aux larmes, quasiment, et lui ai expliqué à quel point rencontrer des gens comme elle ça redonnait la foi.

vendredi 21 juin 2013

trucs de filles

j'avoue, il m'arrive de m'acheter des choses en ville. Je ne suis pas un pur esprit, je suis sujette à des accès de shopping compulsif : aujourd'hui, par exemple, j'ai acheté un rouge à lèvres rouge. Pour ce faire, j'ai dépensé 10,90 euros chez Sephora. Dans l'idéal, je rêvais d'un rouge à lèvres bien rouge de marque (une bête idée préconçue que ce sera de la meilleure qualité et puis j'adore, c'est mon côté fifille, les beaux packagings qui se la racontent un peu, quelle honte !). 

Bref, je vais chez Sephora, un endroit où, il faut l'avouer, je ne mets normalement jamais les pieds, vu comme je déteste leur univers et les uniformes tristes des gens qui y travaillent.

Je dois avoir une tête de paumée de première parce que dès que je rentre dans la boutique, une jeune vendeuse me saute dessus et me flanque ses yeux inquisiteurs dans le champ visuel et me demande si je crois que je vais m'en sortir. Je la rassure, un peu anxieuse du coup, j'ignorais que le magasinage chez Sephora soit aussi risqué... Je teste quelques parfums (plutôt portée sur les jus frais et bourrés de citrus et de fleurs d'oranger, je revis en ce moment parce que ça revient gentiment dans les rayons) que je n'achèterai pas (je continue à convertir certains prix en francs et je ne devrais pas). Dans les rayons grandes marques, le moindre rouge à lèvres coûte plus de 30 euros (et si vous convertissez en francs, vous allez tomber de votre armoire je vous le dis, ça nous met le bête bâton de rouge à lèvres à plus de 180 francs, hohé !, les gens ! Il faut arrêter les drogues dures maintenant !).

Je me suis fixé un budget de 10 euros, somme que je trouve parfaitement correcte pour obtenir un produit de bonne qualité. Chez l'Oréal (mais je n'achèterai pas non plus, je boycotte Liliane, elle est déjà très riche et franchement, quand on voit ce qu'elle fait de tout cet artiche, c'est une mesure de salubrité publique de ne pas lui en confier davantage), c'est autour de 15 euros, toujours trop cher.

Deux autres vendeuses sont venues successivement tenter de me faire participer à leurs statistiques de vente et je les remercie poliment mais fermement, je sais tout à fait ce dont j'ai besoin et je n'ai pas envie qu'on me balance un argumentaire de vente, je veux être tranquille ! Finalement, j'opte pour un rouge rouge à 10,90 euros (pas loin de 72 francs, tout de même !) et je passe en caisse, non sans qu'une dernière vendeuse ne m'ait demandé si je m'en sortais bien toute seule. Je décline à nouveau poliment.

A la caisse, la vendeuse encaisse mon achat de crevarde, me demande si j'ai trouvé ce que je voulais (des fois que ses quatre collègues aient vraiment été en dessous de tout dans le genre harponnage de la cliente), me propose une carte de fidélité que je refuse (pas envie qu'on relève mes coordonnées dans un fichier qui sera vendu à je ne sais pas qui qui m'enverra des tas de pubs à la con, j'en reçois déjà suffisamment comme ça si on considère mon pouvoir d'achat). La jeune femme insiste : je me rends mal compte de tous les avantages gratuits que je laisse perdre, quelle honte ! 

Je lui réponds fermement mais gentiment que chez moi « non » signifie « NON » et que si je comprends qu'elle fasse son travail, je la remercie quand même de pas insister. Je règle mon achat sous le regard outré de la caissière (« C'est quoi ces crevards qui ne veulent pas se laisser vider le porte-monnaie et braquer leurs adresses pour qu'on leur vende des trucs et des machins et qu'on remplisse les objectifs que nous fixent nos managers ? »). Elle me refile mon petit sac et je me rue vers la sortie en esquivant les trois vendeuses placées en embuscade. 

Je ne retournerai jamais chez Sephora, je vais faire un peu de recherche sur Internet pour trouver un fournisseur de cosmétiques qui ne prenne pas trop ses clientes pour des vaches à lait, ça doit bien exister !

Du vrac, du vrac, du vrac

One - Un voyage dans le tram. 
Grosse dame encore jeune bardée de marques (sac avec multitude de logos Dior et imper avec carreaux Burberry en plein numéro de m'as-tu-vu). Accompagnée d'un jeune chien qui saute dans les bras de qui le caresse.

La grosse dame, sourcils froncés et regard totalitaire, tire avec méchanceté sur la chaîne métallique véritablement disproportionnée dont elle se sert pour terroriser et malmener la pauvre bête. 

Interloquée et vaguement choquée, je marmonne des : « Ils peuvent pas faire de gosses, alors ils prennent des chiens pour les maltraiter ! » Personne ne bronche dans la rame et la Cruella gonflée au Nutella continue d'étrangler et d'intimider son chien qui ne moufte pas. 

Elle finit par se placer juste devant moi, me coule des regards un peu dingues et manipule d'un air franchement antipathique et pas rassurant du tout la chaîne de sa pauvre bestiole. 

Courageuse mais pas téméraire, je descends aussi vite que je peux de la rame, laissant derrière moi ma pauvre petite révolte en legs à ce brave chien noir si gentil et si mal tombé.

Mords-y l’œil, elle ne mérite que ça, cette gravosse !

Two - Une photo :


Rue Leyteire, 21 juin 2013.






jeudi 13 juin 2013

La crise, c'est la faute des chômeurs et des diplômés en littérature et en sciences humaines, pardi !

Pendant que j'étais occupée à taper sur les politiciens et les bobos, je n'ai pas vu venir ce qui se préparait pour moi. 

Ce matin, je faisais un petit tour, à la fraîche. Savez-vous bien que ça devient de plus en plus difficile de faire ses courses au marché ou de chiner sans avoir droit à des propos haineux du genre : « Tout ça, c'est la faute des chômeurs ! » ?

Ce matin, le type à qui je voulais acheter deux bouquins me sert la complainte tous des feignants ces horribles chômeurs, la crise c'est de leur faute. 

Je commence à être habituée, je me suis tapé ça pendant un an dans les centres d'appels et je garde mon calme : « Mais oui, vous avez raison, Monsieur, tous ces chômeurs, ce qu'il faudrait, c'est les coller contre un mur ou dans des camps de concentration ! »

Le type reste un peu cloué mais conserve son bon sourire : « Non, en réalité, il faudrait les envoyer là où c'est les vacances tout le temps ! » C'est sibyllin à souhait, ça ne veut pas dire grand-chose, mais il est content, il a trouvé une formule. 

Je lui laisse les deux bouquins que j'allais lui acheter, aucune raison de sponsoriser ce genre de gugusse.

Au passage, je me demande s'il déclare tout ce qu'il gagne, s'il paie toutes ses cotisations ou bien s'il s'arrange, s'il se démerde, s'il gruge un peu, comme tout le monde, parce que ça serait vraiment trop con de payer plein pot alors qu'on peut se faire sa petite gratte.

Il faut vraiment être débile pour s'acquitter en totalité de ses impôts et de ses cotisations, entre les paradis fiscaux, les comptes offshore et les petits arrangements... 

Seuls les salaires et les allocations chômage sont ponctionnés sur des bases réelles, pour le reste, la «démerde» et la défiscalisation plus ou moins sauvage sont élevés au rang de sport national, et c'est à qui sera le plus «malin» et le plus profiteur, l’œil protubérant sur l'assiette du voisin, toujours trop remplie, comment on pourrait faire pour se goinfrer au passage la prochaine fois...  

On admire en sourdine les escroqueries bien menées et ceux qui s'en mettent plein les fouilles, même si on fait semblant de s'indigner vertueusement.

On aime Mandrin et Cartouche, Zorro, Robin des Bois et Tapie, tout ça en vrac, parce que c'est marrant de gruger les fermiers généraux et qu'il faudrait vraiment être le dernier des couillons pour croire que l'argent des impôts et des prélèvements sociaux est intégralement utilisé pour le bien public.

Les seuls qu'on ne supporte pas, c'est les chômeurs, ces parasites, ces peigne-culs, ces gagne-petit, qui cotisent pourtant pour leurs allocations, dont les revenus sont fort peu falsifiables et qui, comble de bêtise, à force de gagner des salaires de smicards, risquent fort de finir à l'hospice et il faudra encore payer, si c'est pas malheureux, tout de même !

C'est le côté profondément républicain des Français, qui adorent se faire mettre, pour autant que le fouteur prétende avoir de la branche et leur donne l'impression qu'ils font un peu partie du même monde.

En plus, je suis une grosse chômeuse qui, je cite, profite du système. Je n'entends que ça en ce moment. Ça fait des années que je travaille, que je cotise, que je me débats comme je peux et parce que je refuse des boulots de merde, tout le monde me sort que je profite du système.

Ho hé ! du bateau ! tout le monde est arrimé ou bien ? 

Je profite du système parce que je refuse des boulots de plonge payés au SMIC au prétexte futile que j'ai une formation de cuisine, une licence et un DUT. 

Je vous demande un peu ce que feront les personnes qui n'ont aucun diplôme si les diplômés acceptent les boulots de plonge ? 

La jeune femme de la boîte d'intérim qui me proposait cette aubaine  avait le ton bref dans mon téléphone. « Encore une de ces étudiantes perpétuelles, qu'il faut envoyer au travail à coups de pompe dans le derche », pensait-elle, du haut de ses vingt ans et quelques et de sa science infuse et sans appel, « ça se plaint d'avoir mal au dos, ça va voir le kiné pour le moindre bobo, ça fait perdre un temps fou avec ses scrupules et ses atermoiements, on se demande à quoi ça sert ! »

Outre les chômeurs, ces immondes parasites, il faut punir les diplômés, surtout ceux qui ont choisi littérature et sciences humaines, que des formations de feignasses inutiles et dont Zadig et Voltaire se foutent comme de l'an 40 (c'est vrai ça, quoi, s'il faut en plus s'intéresser à l'an 40 !), qu'ils en chient, qu'ils en bavent, ça leur apprendra, avec leurs grands airs et leurs dégoûts de divas. 

D'ailleurs, tiens, on devrait supprimer ces formations ou au moins obliger les gens qui les suivent à les rembourser à la collectivité, ça serait une pratique de bonne gestion, et la collectivité pourra investir cet argent dans des programmes enthousiasmants et pas du tout prise de tête, qui mettent en avant des filles carrées au franc-parler reposant.

Columbo + Robbie, le crossover de la mort qui tue

« Regardez, M'sieu Columbo, il peut faire du café et mettre le vin à décanter. »
« Ce qui m'étonne, c'est qu'il n'a pas de nombril. Je lui aurais volontiers fourré mon index dedans. »
« M'sieu Columbo, vous oubliez que je suis en pleine période de latence ! »
« Des petits cons, j'en ai déjà vu un paquet, mais, toi, tu bats tous les records ! Remballe-moi cette quincaille et range ta chambre, espèce d'arnie ! »

Un monde sans pitié, le sequel

Ils ont quitté le capot de leur bagnole toute pourrie
 pour s'investir dans un boulot sérieux.

Ils ont jeté leurs bouquins, ça prenait trop de place.

Ils ont acheté un lave-vaisselle
et contracté des crédits 
pour acheter des maisons et des voitures.

mercredi 12 juin 2013

Un courrier à la ministre de la Santé

Madame Marisol Touraine
Ministre des Affaires sociales et de la Santé
14, avenue Duquesne
75350 Paris 07 SP

Bordeaux, le 10 juin 2013



Madame la ministre,

Je vous ai adressé le 22 mars 2013 un courrier qui est resté sans réponse.

Je vous y faisais part de ma surprise et de mon indignation relatives à la non-prise en charge par la Sécurité sociale des soins de parodontie.

Le parodontiste que j’ai consulté a établi un devis qui avoisine allégrement les 5 000 € (voir photocopie jointe).


En effet, les dégâts causés par cette maladie diagnostiquée très tardivement (bien que je consulte très régulièrement et sagement le dentiste) sont importants et pour bien faire, il faudrait recourir à deux implants, m’ôter un bridge antique et autres fariboles du même acabit.

Cette somme pharaonique correspond, Madame la ministre, à une demi-année de mes revenus (je vous prie de bien vouloir excuser le tour un peu pathétique que prend ce courrier, c’est bien involontaire, croyez-moi).

Je me suis rendue à l’hôpital pour tenter d’obtenir des tarifs plus en rapport avec la modicité de mes émoluments, mais il m’a été répondu fort aimablement que les tarifs en vigueur en parodontie étaient en effet fort élevés et qu’il n’y avait pas moyen, même au sein des hôpitaux publics, de se faire soigner sans souscrire de crédit ou vendre père et mère.

Je me réjouis que les parodontistes gagnent bien leur vie et aient choisi un créneau porteur, ce n’est pas tous les jours qu’on apprend une excellente nouvelle, sachons les apprécier comme il se doit.

Afin de stopper la progression de l’attaque bactérienne qui a ma bouche pour théâtre, le parodontiste a procédé à un surfaçage radiculaire (un détartrage très poussé avec nettoyage des poches), m’a expliqué qu’il faudrait que j’utilise désormais des brossettes après le brossage, pour lequel il me faudrait employer une brosse à dents électrique.

Tout cela pour la modique somme de 390 €, sur lesquels sont indiqués une base de remboursement de 28,92 €, qui correspond au remboursement d’un détartrage classique.

Reste donc à ma charge la différence entre le remboursement de la Sécurité sociale et la somme à acquitter, soit pas loin de 370 € (2 440, 48 francs).

Je suis soucieuse de ma santé, je tiens à garder mes dents et je paye mes dettes. J’ai donc acquitté la facture du parodontiste (que je vous joins), j’ai acquis brossettes et brosse à dents électrique.

Les brossettes coûtent 10 € les 6 + 15 € les 12 (il faut deux sortes de brossettes, m’a dit le parodontiste, j’applique à la lettre ses conseils, à ce prix-là, je suppose que c’est un expert).

Je dois également utiliser quotidiennement une solution anti-bactérienne (prix : environ 6 €). 


Tout cela revient fort cher, vous en conviendrez.

J’ai dû renoncer à procéder aux importants travaux préconisés par le parodontiste, comptant sur le brossage et mes soins quotidiens pour juguler la maladie.

Qui exactement a les moyens de payer des sommes aussi extravagantes pour se soigner, je me le demande.

En dehors de toute considération pécuniaire (mais avouez qu’elles ont tout de même leur importance…), le droit à la Sécurité sociale est un principe constitutionnel inscrit dans le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et repris dans la Constitution de 1958.

Ce principe est le suivant :

« La Nation assure à tous […] la protection de la santé […]. »

Il n’est nulle part indiqué que ce principe fondateur exclut la parodontie. Je peux me tromper, bien sûr.

Je vous remercie par avance de l’attention que vous accorderez à ce courrier et vous prie d’agréer, Madame la ministre, mes salutations.




mardi 4 juin 2013

Une journée de travaillage ben ordinaire

5 h 30. 
Levage de l'intérimaire employée de restauration. Tête dans le cul. Douchage. Reniflage de la chemise : ça fera encore une journée. Habillage. Toujours dans le pâté. Thé + gâteaux aux céréales. Radio. Ça chie en Turquie et les familles aisées sont bien marries qu'on les dépouille toutes vives.

Clopage. Quelques fenêtres allumées.

Sac à main + clés + sac avec ma tenue et une doudoune (ils m'ont prévenue à l'agence d'intérim que je vais travailler dans le froid). Bagnole + rocade + blaireaux qui te collent au cul, des fois que ça ferait avancer plus vite leur vie, on ne sait jamais. Arrivage dans la zone de Pétaouchnok-les-Machins. Garage en vrac de la voiture. Montage de l'escalier de la cuisine centrale. 
7 h.
Accueillage par deux nanas. Une blonde aux jolis yeux bleus et une petite trapue râblée aux cheveux poivre et sel très masculine. Présentage et nommage. Comme je suis d'humeur badine de bon matin, je lance : « Je m'appelle Chose et je ne suis pas alcoolique. » Bide. La petite trapue me jette un regard noir : « Vous faites comme vous voulez. » Avalage de salive. La petite trapue me propose une tenue et me demande avec inquiétude si j'ai prévu de bien me couvrir. Je refuse la tenue (j'ai tout ce qu'il me faut) et j'ai prévu ce qu'il faut pour ne pas me geler, merci c'est gentil. Déshabillage et enfilage de la tenue (tee-shirt à manches longues + veste + pantalon + shoes de sécurité + doudoune, merde j'aurais dû prévoir un foulard. Tant pis.)

Allage dans la salle de pause. Nommage des deux filles. Buvage d'un thé vert pour moi et de café pour elles deux. Discutage. La petite trapue s'est pris la tête avec une de ses collègues, il ne faut pas lui chauffer les oreilles. Il n'y a jamais assez de monde, c'est n'importe quoi cette boîte. La blonde sourit. Elle est intérimaire, la petite trapue est en CDI. Roulage des mécaniques de la petite trapue : c'est à elle qu'on demande si les intérimaires peuvent revenir. « J'ai demandé que tu reviennes », dit-elle d'un air lourd de sous-entendus à la blonde qui sourit. Je place vite le fait que je suis mariée, on ne sait jamais...

Posage de questions : où suis-je censée exercer mes talents ? La petite trapue hausse les épaules : « Conditionnement. » Interrogeage de pourquoi ça lui fait cet effet. Répondage de la petite trapue : « C'est moi qui le fais normalement, je sais que c'est... » Rigolage. Enfilage de charlotte, posage de masque. Lavage de mains. Enfilage de gants. Rencontrage de nouveau collègue : origine vietnamienne, lunettes, sérieux. Préparage du poste de travail. Balance, barquettes, bac de semoule. Remplissage de pléthore de barquettes de semoule (150 g puis 100 g) à la main.

Explicage de collègue vietnamien sérieux : pas tripoter la semoule, se servir de sa main comme d'une pelle. Finissage de remplissage des barquettes avec main en pelle et pas de tripotage de semoule. Explicage que aimage tripotage et que si pas tripotage, question sur restage. Esquissage fugace de sourire par collègue sérieux. Plaçage des barquettes au fur et à mesure sur grille puis empilage des grilles sur échelle. Surveillage par collègue sérieux et donnage de conseils pour optimisation temps de travail. Explicage : plein d'années d'expérience, etc.

Fredonnage pour lutter contre grosse envie de rigolage. Nouvelle mission : remplissage barquettes de légumes couscous. Une petite louche par barquette. Explicage collègue sérieux : pas assez de jus. Ratage d'attrapage de barquettes et gâchage éhonté car jetage poubelle direct. Explicage de collègue sérieux : posage de louche PUIS attrapage de barquettes, sinon jetage barquettes. Faisage hara-kiri. Applicage toyotisme à remplissage multiples barquettes puis regardage de collègue sérieux sur nombre de barquettes remplies. Economisage de gestes et voulage de foutage de louche sur lunettes collègue sérieux. Retenage. Travaillage sans parlage : rentabilisage maximal de présence intérimaire. Remuage de légumes couscous car explicage collègue constipé que sinon restage de grains dans le fond. Reprenage et vocabulaire car excédage : grains = pois chiches.

Fusage de regard assassin par-dessus masque de collègue psychorigide. Finissage de remplissage et comptage de barquettes. Emmêlage de crayons et agaçage de collègue à lunettes. Nouvelle collègue, encore plus sérieuse que premier collègue sérieux. Empilage de barquettes de pâtes trois par trois sur grilles sur échelle. Boucan infernal et hurlage de choses. Incomprenage. Regardage par collègue sérieuse comme buse intégrale. Explicage que boucan = pas comprenage. Répétage avec agaçage. Empilage. Demandage de 31 grilles. Empilage. Hurlage de collègue sérieux adepte du toyotisme : demandage de 31 barquettes pas 31 grilles ! Explicage que criage superfétatoire à collègue sérieux. Pétage de plombs de collègue sérieux : pas engueulage, disage. Rétorquage que pas grave, et calmage nécessaire. Pétage de plombs de collègue instable et tentative de calmage mais tirage de tronche majeur de collègue sérieux. Reprenage en main par collègue sérieuse.

Empilage. Demandage de question sur ton hallucinant par collègue sérieuse. Répondage avec forte envie de foutage sur la tronche. Retenage. Respirage. Empilage. Pause : cigarette. Demandage où mettage de mégots. Répondage de collègue sérieuse : « Là » et désignage de quelque chose dans l'espace. Présumage possibilité que machin avec trou  soit cendrier. Demandage confirmation. « Je mets ça là ? » Répondage sur ton bref comme si demandage superflu par débile profonde : « Dans le trou. » Jetage de mégot et jetage de « Pardi ! » par intérimaire qui commence à attendre avec impatience que le scketch se termine.

Perdage dans locaux car premier jour et laissage de démerdage par collègues sérieux mais pas trop portés sur les explicages inutiles.

Discutage rapide avec plongeur sympa : « As-tu pris le temps de prendre un café ? » Répondage avec grand sourire que non car non voulage de partage en vrille. Apréciage de sourire du plongeur. Empilage. Mettage de merguez sur semoule. Reprochage muet que pas assez rapide. Mettage d'échelles dans cellule de refroidissement et prévenage par collègue sérieuse que risquage de cassage de gueule de barquettes car butée avant cellule.

Tentage : cassage de gueule de barquettes. Disage de gros mots par l'intérimaire. Rigolage de collègue sérieuse : « Je vous l'avais pourtant dit ! » Rigolage de collègue sérieux. Ramassage de barquettes et rempilage. Retentage. Recassage de gueule de barquettes. Reramassage sous regards goguenards de collègues morts de rire et immobiles. Retentage avec râlage. Réussissage. Regardage de pendule. Empilage de barquettes. Regardage de pendule. Passage de petite trapue avec examinage destiné au tremblage de l'intérimaire. Regardage de pendule. 

Demandage par collègue sérieuse si revenage demain.
Répondage par l'intérimaire : « Je ne sais pas ! ». 

11 h. Finissage de la mission. Sauvage à toutes jambes de l'intérimaire.

PS : Bien agaçant, aussi, le gars de la boîte d'intérim, qui faisait son déçu pas certain de me donner une nouvelle chance (ouarf !) quand je lui ai appris que puisque c'était mon jour d'essai, je n'allais pas poursuivre cette intéressante expérience. Ou celui du gars de l'autre boîte d'intérim que je viens de contacter et qui me découragerait presque de venir lui présenter mon CV, histoire que je le supplie à genoux de me trouver un boulot de merde éreintant et bouffe-vie sous-payé.

On le sait que c'est la crise et pas facile facile, mais arrêtez d'essayer de nous faire croire qu'on ne va pas trouver de boulot dans la restauration, alors que les revues de la profession pondent avec une régularité désarmante des articles plaintifs comme quoi c'est tellement dur de trouver des gens motivés et sérieux pour se farcir ces métiers en tension et patati et patata, snif ! et bouh !