lundi 25 avril 2011

Il t'a apporté du chocolat, le lapin ?

Demain, premier entretien depuis des lustres, j'espère que je ne vais pas me transformer en chose rampante et pathétique prête à tout pour obtenir un emploi rémunérateur.

Hier soir, on a regardé un documentaire sur mai 1981 (à presque un an des élections, bien se souvenir comment les socialistes l'ont mis profond au peuple de gauche, ça ne peut pas faire de mal).

Dans ce documentaire, l'ami Gattaz prenait un air finaud pour causer du ministère du temps libre mis en place par le premier gouvernement socialiste. Il expliquait avec ironie et un peu un air de maquignon qu'avant de penser au temps libre, il fallait penser au travail.

L'air dont il disait ça, vous vous sentiez de gauche tout de suite, même si vous aviez eu des doutes à un moment, parce que ça sentait le travail des enfants sans pied et sans main, l'épanouissement dans le travail et toutes ces choses qu'on aimerait que les gens qui les disent aient un jour travaillé comme des mongoliens pour un SMIC ou des queues de cerise avant de les dire, juste pour voir la gueule qu'ils tireraient, ces épanouis dans la joie de l'effort.

mardi 5 avril 2011

Un peu de vocabulaire

Un mot qui me sort par les trous de nez : réinsertion. 

On me le sert à toutes les sauces en ce moment. À peine te fais-tu éjecter de la cohorte des travailleurs que les réinséreurs se mettent en branle, sourire plein de commisération en bandoulière. Ils veulent ton bien et ont bien l'intention de te le faire savoir. 

Moyennant quoi des individus qui ont compris le sens du vent te font la leçon (n'oublie jamais que tu es du mauvais côté de la barrière). 

Il y a plusieurs sortes de réinséreurs mais globalement, ils partent du principe que tu as tout faux (mauvais côté de la barrière) et qu'ils ont forcément raison (bon côté de la barrière). Ils sont sur un créneau porteur (vu le nombre de mongoliens de ton espèce qui s'obstinent à se retrouver du mauvais côté de la barrière) et tu es leur terrain de jeux.

Ils ont dû lire des livres ou voir des films, en tout cas, ils te connaissent, ils savent comment faire pour régler tes problèmes. Ils sont plus intelligents que toi, n'oublie pas.

Que tu aies travaillé auparavant, ils s'en foutent, que tu aies des diplômes, ils s'en foutent, que tu aies atteint l'âge adulte depuis un certain temps, ils s'en foutent : ils sont là pour te réinsérer.

Certains te répéteront le mot à loisir, des larmounettes tremblotant au bord de leurs yeux. La première fois, tu auras le réflexe de te demander pourquoi on te sort des mots qui fâchent comme ça, pourquoi ces larmes et pourquoi diantre te filer ce rôle nullos dans ce mélo inepte. 

C'est que c'est plus rassurant pour le réinséreur de se persuader que tu y as forcément mis du tien, que la situation qui t'échoit ne peut absolument pas lui tomber sur le carafon. Lui, il a tout compris et il est bien plus intelligent que toi. Il anticipe et prévoit et question insertion, c'est un champion. 

Alors que toi, il faut bien le dire, tu désoles un peu les bonnes volontés. 

Comment ça tu as fait des études, tu causes trois langues, tu maîtrises l'informatique et ta langue maternelle ? Ah mais ça ne suffit pas, il y a les savoir-être aussi (maintenant qu'on ne peut plus reprocher aux gens leur manque de formation, on va leur reprocher leur personnalité, leur manque de niak, bref, leur infernale et crasse  inaptitude sociale) 

L'autre jour, une prof de philo se désolait à la radio : ses élèves issus de milieu modeste manquent cruellement d'aisance sociale et ça va les desservir dans leur future carrière, il est donc urgent qu'ils aient plus d'heures de philo (elle était prof de philo, on peut donc en inférer que son discours dissimulait une forme de logique).

Tout le monde est bien d'accord : Liberté, Égalité, Fraternité, du baratin, des foutaises pour faibles et désinsérés, haro sur les inaptes sociaux ! Vive la loi de la jungle et les réinséreurs ! 

Le rêve : une société composée de 50 % de réinséreurs qui oeuvrent dans la bienfaisance face à 50 % de désinsérés et d'inaptes sociaux, qui ne rêvent que d'une chose : qu'on les réinsère dans le meilleur des mondes...