mardi 10 avril 2012

Je joue à fond les ressources humaines en ce moment...

C'est fou ce que l'homme peut inventer comme dingueries à l'intention de son prochain, son frère, son semblable. Et c'est encore plus fou comme son semblable y prend goût et applaudit des deux mains. Ou alors c'est juste parce qu'il n'a pas le choix et qu'il faut bien gagner sa croûte ?

En ce moment, j'ai l'immense bonheur de pouvoir gagner ma vie dans un boulot.

Tous les matins, je m'entasse dans une rame surbondée. Il faudrait sans doute augmenter le trafic pour qu'on espère voyager dans des conditions normales, mais on ne sait pas, ils ne font rien, ils ne doivent pas savoir, alors nous, on paie tous les matins plein pot pour se faire transporter comme du bétail et on ne mugit même pas, c'est beau, cette abnégation et cette acceptation de l'inévitable tous les jours recommencées. 

Une fois que je suis sortie de là-dedans, après que quelques camarades de misère m'ont férocement regardée de travers tandis que je leur décochais mêmement le plus noir regard que je pouvais concevoir, histoire de leur faire payer un peu de venir envahir mon espace vital, je fume à toute blinde une cigarette et je me précipite vers l'ascenseur qui me hissera à mon nouvel espace de travail.

Une fois là, je me débarrasse de mon manteau, de mon sac, de tout ce qui pourrait encombrer ma chaise (je n'ai pas de bureau fermé, je travaille en open space et il est strictement interdit d'encombrer l'espace).

Je me connecte avec mes identifiants sur l'ordinateur qui m'est alloué pour accomplir ma tâche quotidienne, puis je rentre mes codes pour pointer sur mon ordinateur, puis je lance le logiciel que je vais utiliser pour tracer mon propre travail. Il faut qu'on puisse savoir ce que je fais toute la journée.

Chacune de mes tâche est identifiée et chronométrée. La personne qui supervise  ma formation trouve que je ne vais pas assez vite pour identifier les appels et passer d'un logiciel à l'autre pour récupérer les infos que je recrache ensuite à mon correspondant.

Ils sont sympas en général, mes correspondants, mais il ne faut pas que je perde de temps avec eux, parce que sinon, mon temps moyen de communication va exploser et je me ferai taper sur les doigts.

De même, il faut qu'entre chaque appel, je perde un minimum de temps. Il faut donc que je note le plus rapidement possible dans les cases destinées à cet effet les raisons de l'appel et la réponse que j'y ai apportée.

Pour m'aider, un informaticien a programmé des réponses toutes faites que je n'ai qu'à choisir dans un menu déroulant. En cas de besoin, je peux compléter. Sans trop m'étaler non plus, sinon je vais exploser mon temps de saisie et la personne qui supervise ma formation va me faire les gros yeux.

Il faut que je réalise certaines tâches un nombre déterminé de fois dans la journée. En général, il s'agit de placer des produits ou de récupérer certaines informations ou d'inciter mon correspondant à opter pour la dématérialisation des informations qui le concernent. 

Je fais de mon mieux mais je ne remplis pas vraiment mes objectifs en ce moment. Je ne maîtrise pas encore les outils que je dois utiliser ni toutes ces infos que je dois digérer et m'approprier. Mes collègues m'encouragent : elles sont toutes passées par là et avouent que c'est resté un mauvais souvenir pour elles.

La personne qui supervise ma formation me trouve lente et un peu stupide parce que je ne retiens pas tout ce qu'elle me dit. Elle est jeune, elle a une peau bien nette et bien lisse. Je sens que ça va finir par l'agacer vraiment profondément. Déjà, elle rive son œil sur moi dès que je ne prends pas un autre appel tout de suite après avoir raccroché (je n'arrive pas encore à parler aux gens et à tracer leur appel en même temps, mais ça va bien finir par venir, c'est ce que m'assurent toutes mes collègues). 

Une collègue qui est arrivée en même temps que moi a l'air de vraiment mieux s'en sortir que moi. Elle me dévisage parfois avec froideur. C'est le genre sec et ricanant, tout laisse à penser qu'elle a un grand avenir devant elle.

En ce moment, c'est marrant, je déteste un peu les informaticiens...