lundi 2 mai 2016

Et ta sœur, elle bat le beurre ?

Si vous ne le saviez pas, mais je ne sais pas comment vous faites, la cuisine, c'est un truc très à la mode, en ce moment.

Il y a bien sûr, les émissions où des sadiques attifés de tabliers et armés de grands couteaux professent virilement de saines valeurs auprès de victimes consentantes qui n'en peuvent plus de leur chance inouïe de tambouiller sous de si brillants auspices, avec en prime la possibilité de dézinguer leurs petits camarades pour se faire encore mieux voir du sadique en chef, on ne sait jamais, la télé, c'est tout de même une opportunité.

Il y a aussi les cantines locavores et bonnes pour votre santé qui fleurissent à tous les coins de rue, et qui vous garantissent un transit spirituel et sans gluten. 

Vous pouvez même y garer votre progéniture, qui s'initiera à des jeux intelligents et en bois pendant que vous dégustez ce si trendy cheese cake aux pousses de quinoa marinées au matcha pultrusé et son sel rose de l'Himalaya.

Tout ça pour vous dire que, mon esprit curieux n'étant jamais repus de connaissances diverses et variées, surtout si elles me permettent de rester en phase avec l'air du temps, j'ai regardé hier un documentaire sur la nouvelle cuisine.

Déjà, ça mettait bien à l'aise, les premières cuisines que le documentaire soumettait à notre sagacité étaient remplies de robustes mâles équipés de grandes casseroles (on dit « des russes », dans le jargon du métier, sous peine de bite au cirage). 

Bon. Mettons. C'était un peu une constante à l'époque reculée d'avant maintenant : les femmes cuisinaient surtout dans leur cuisine ou dans celles des autres et il faut noter que personne n'aurait jamais pensé à leur donner du « chef ».

On nous en mettait de pleines tranches de « geste précis » et de grains de sel disposés au millimètre, ça grouillait de cols de MOF (meilleur ouvrier de France, concours qui remplace avantageusement les concours de çuikipisse-le-plus-loin une fois passé l'âge des cours de récré), d'intérieurs hideux et ostentatoires et d'expressions que je n'ai toujours pas comprises (quel est par exemple le sens du mot «allocution», dans la bouche de Thierry Marx, j'avoue que je suis encore plongée dans une complète perplexité). 

Les Béotiens que nous sommes restèrent bouche bée lorsqu'il nous fut doctement exposé que la cuisine s'était entièrement renouvelée lorsqu'un aventurier sommé d'une toque avait songé à disposer la sauce SOUS le poisson et pas DESSUS (hé oui, si tu ne sens pas la différence, va t'ouvrir une boîte de petits pois et mange-les froids !)...

Et bien sûr, pas un de ces robustes gaillards ne remit en question l'apprentissage à coups de pompe dans le derrière qu'ils durent subir pour avoir l'insigne honneur de préparer à manger pour les autres, de préférence lestés de consistants portefeuilles. 

Et tout ce cirque autour des couteaux que certains chefs se font, « Han ! il faut absolument que je tranche avec un couteau japonais doté d'une lame en céramique ! » Et patati patata ! 

Mon mari, me trouvant les yeux exorbités devant l'écran, ne manqua pas de s'interloquer : 
« Mais pourquoi tu regardes ce truc, c'est exactement tout ce que tu détestes ! 
- On ne peut pas non plus constamment esquiver la réalité. Disons que mon intérêt est historique. Mais tu as raison, j'en ai assez vu. »

Et je mis fin derechef à mon incursion dans le monde mééééérveilleux de la gââstrônômie frâncèèèèèèse, non sans un dernier regard à une assez réjouissante invention bulbeuse à base de truffes dédiée à un ancien représentant élu du peuple.



Critique radicale et sans concession de la société du spectacle

Donc. Voilà. 

J'émerge doucement mais sûrement de mon second burn out (ou épuisement professionnel, ça devrait enchanter les puristes, sans compter ce petit côté Trente Glorieuses bien peigné-bien cravaté).

Et comme à chaque fois, je décide de plutôt crever de faim dans un coin sombre que de retourner me faire expliquer à coups de pompe dans le derrière à quel point j'aurais dû si j'avais su.

L'âge venant et n'aidant pas, j'ai surtout retrouvé mes tics de la jeune et gentille punkette que je fus jadis avec une certaine nonchalance. N'allez pas croire, par exemple, que je dépensais tous mes sous pour me rendre à Londres acheter des habits très chers ou des colliers de chien ou des épingles de sûreté griffées chez Vivienne Westwood, ma punkitude consistait surtout à ne pas du tout avoir envie de devenir un(e) gros(se) con(ne) d'adulte, à passer pas mal d'heures à dresser vers les cieux ma crinière non civilisée et à me fignoler un (si possible fin) sourire narquois. 

Car, comme dirait l'autre, tant va la cruche à l'eau, qu'à la fin, elle finit par rendre des sons un peu zarbis.

Tout ça pour dire que je me requinque en lisant beaucoup, en regardant des séries ouske le mal acquis ne fait pas prospérer des malfaisants, en écoutant de la musique, en n'écoutant presque pas les informations, en dormant pas mal et en réfléchissant intensément sur les moyens de ne surtout pas retourner me saper le mental, le moral et le physique à gagner petitement ma vie en effectuant des boulots chiants, mal considérés, mal fréquentés et anxiogènes. 

Vous me direz, on en est tous là. 

Je vous répondrai, allez voir Merci Patron !, ça fait toujours passer cinq minutes assez drolatiques.

Que pense donc Bernard Arnault du film dont il est le héros ? Si vous vous posiez la question, comme moi, voici la réponse.