jeudi 26 novembre 2015

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Arthur Dreyfus, je ne le connais pas, mais il a droit à une pleine page dans Télérama pour « mettre en garde contre tout esprit de mortification ». Le titre de l'article est gras et éloquent : « Notre sentiment de culpabilité est sans fondement »

Arthur cite dans son article Ariane Mnouchkine qui, elle, voudrait qu'on en finisse avec « la haine de soi ».

Il semblerait donc que des gens autour d'Arthur accusent les victimes des tueries du 13 novembre à Paris d'être responsables de ce qui leur arrive. Il le dit comme il le pense, Arthur (et il en a le droit, notez bien, d'autant qu'en tant que «intellectuel et artiste aux multiples talents», il dispose de 2 colonnes dans un hebdomadaire pour le faire, ça s'appelle la liberté d'expression et ça permet à des gens qui ont des choses à dire de les dire) : «Je refuse de porter la responsabilité des balles tirées par Daech.»

Arthur explique pourquoi il pense qu'il ne faut pas se mortifier, ni se haïr, ni culpabiliser : «Nous sommes un pays où les homosexuels ne sont pas assassinés, peuvent se marier, où les femmes sont libres de faire ce qu'elles veulent, où on peut saisir la loi quand une injustice a lieu.»

Je suis bien d'accord avec Arthur, «rien ne justifie la mort d'innocents» et aucune des victimes des attentats ne méritait ce sort.

Selon Arthur, une partie de sa génération, nommée génération Bataclan par les journalistes, se flagellerait et se sentirait coupable d'être «née en France dans les années 1980-1990» et d'avoir sa «part de responsabilité dans cette violence qui [la] frappe».

Manuel Valls, lui, n'accorde aucune «excuse sociale ou culturelle aux terroristes». On sent que ça le retourne direct, cette sauvagerie.

Les terroristes s'en sont pris à nos valeurs humanistes et ne respectent pas la vie humaine. C'est inexcusable, tout le monde est bien d'accord là-dessus.

Sauf les terroristes. Parce que les terroristes, c'est pas vraiment leur genre et leur fonds de commerce, le respect de la vie humaine et des valeurs humanistes. Leur genre, c'est plutôt une bombe dans ta gueule et on discute éventuellement après mais de toutes façons j'ai raison et tu as tort.

Or Daech est un groupe terroriste. Qui comme tout groupe terroriste embrigade et recrute des gens, souvent des jeunes, qu'il envoie semer la mort et se faire trouer après leur avoir farci le crâne d'idéologie fumeuse pas raccord avec nos valeurs humanistes.

Parmi ces jeunes, se trouvent un certain nombre de jeunes Français. Qui sont peut-être nés dans les années 1980-1990. Font-ils partie de la génération Bataclan ?

Je ne veux pas trop donner dans la mortification, je vais laisser la parole à un autre lecteur de Télérama, dont la lettre a été titrée : «Qui finance ?» et qui pose deux questions que je trouve intéressantes et qui, bien sûr, n'ont pas pour but de fournir une excuse aux terroristes qui ont attaqué nos valeurs humanistes ni de s'auto-flageller : «Qui achète leur pétrole [celui de Daech] ? Qui leur vend des armes [à Daech] ?»




samedi 21 novembre 2015

Leur sang impur, nos sillons



Alors que l’élan est national et le consensus parfait – buvez du champagne en terrasse pour produire des flatulences moqueuses, tandis que nous préparons la riposte sanglante, si j’ai bien tout compris –, qu’est-ce qui fait que je reste froide ?

Pourquoi, nom d’un djihadiste, je ne ressens pas le besoin violent d’en découdre et de rejoindre le peuple uni et réuni au son des martiales alarmes ?

Je pense aux morts qui ont déjà pétri dans le sang et la boue et l’oubli aussi notre si belle histoire nationale, aux boucheries anciennes ou plus récentes, aux appels au dézingage tous azimuts des perfides de tous horizons, qui ont toujours porté sur les champs de bataille les mêmes pioupious ahuris.

Je me demande si le monde est subitement devenu si lisible, avec d’un côté des méchants parfaits et de l’autre des gentils non moins parfaits. Et je me demande à quel moment j’ai raté le coche. Ce serait tellement plus reposant d’adhérer à cette binarité réconfortante.

Les appels à la guerre et les déclarations  d’état d’urgence s’amoncellent, justifiés par des attaques dont on ne peut nier ce qu’elles ont d’ignoble.

Hier, on m’a demandé de haïr profondément un jeune homme à la barbe noire et de ressentir un intense soulagement à l’annonce de sa mort. Aujourd’hui, j’attends avec impatience qu’on m’annonce la mort d’un autre jeune homme.

Est-ce que ça va soigner la douleur et apaiser le deuil des familles des morts de Paris et d’ailleurs ?

La France serait-elle d’un seul coup devenue si belle et fraternelle et métissée et ouverte et généreuse que l’ignorance et la barbarie décident de l’en punir ? Ou est-ce de ses failles et de ses fractures que des fous font leur fonds de commerce d’armes, d’effroi et de douleur ?