jeudi 10 mars 2011

Étonnements dilettantes et amateurs

One - « The'll give U medals, if U specialize », chante Marilyn et tout le monde pense qu'elle est idiote.

Mais, mais, mais remarquez à quel point le diplôme et le brevet d'exercer satisfont on ne sait quel instinct bien français, qui aime, ne nous le cachons pas, à estampiller, cloisonner et distribuer des médailles lors de divers comices (ça faisait marrer Flaubert, passons...).

Et donc, si tu veux faire toubib, fais l'école (là, je dirais, je préfère que tu la fasses, y'a tout de même des tas de trucs que j'aimerais mieux que tu n'ignores pas, comme ne pas confondre le péroné et le tibia, le foie et les poumons, tout de même). 

Mais pour ce qui est de l'artisserie, faut m'expliquer pourquoi les artisses qui vont dans les zécoles et ont des 'plômes sont plus des zartisses que les autres.

Ils ont une fonction, ils la remplissent, c'est plutôt chouette, mais je ne vois pas pourquoi ils regardent de haut les amateurs et dilettantes. J'ai quelques artisses dans mes connaissances et ma famille et cette circonstance m'a toujours frappée. 

Faire l'artisse, ce ne serait pas produire ou faire, mais être reconnu comme tel par une institution, ses pairs ou un diplôme ?

Les artisses officiels ont un certain mépris pour ceux qui se mêlent d'artisserie sans demander de 'plôme (mettons qu'ils partent du principe que l'art est un truc qui appartient à tout le monde et que si tu te sens artisse, ben t'as qu'à faire des écrivures, des dessins, des photos).

Le Net et les blogs permettent aux artisses non officiels de faire leur petite sauce (ce qui les meut, je dirais si je n'avais pas peur des grands mots qui tachent un peu, c'est donc de faire, et d'être vu ou lu, car un artisse qui artisse tout seul dans son coin, c'est juste de la sale manie, on est bien d'accord). 

Mais même dans cet espace qui se réclame libre et ouvert, on sent bien qu'il y a les ceusses qui se reconnaissent entre eux et eux-mêmes comme ayant le droit à la parole (par la sainte grâce d'un diplôme, certificat, brevet, etc.) et les autres. 

Two - Je suis un peu gonflée en ce moment par certains écrivains qui nous abreuvent de leur vie leurs malheurs et qui fonctionnent un peu en vase hermétique.  

Extasions-nous pour la millième fois sur les si intéressantes circonvolutions de fond de crâne de Machin ou Machine, ça fait juste un demi-siècle qu'ils tiennent le crachoir et nous bassinent et rebassinent. 

Ces derniers temps, on donne dans le frère ou la sœur morts. Ils vous expliqueront avec tout leur savoir-faire et leur infinie légitimité ce qu'il convient de ressentir, vous prouveront une fois encore qu'ils sont dotés d'une sensibilité hors du commun et vous les retrouverez sur toutes les ondes qui prétendent vous cultiver l'intérieur de la cervelle.

Si une postière ou une ouvrière s'avise de prendre la plume pour raconter qu'elle aussi a perdu une sœur et elle aussi a ressenti... (ici, tu peux compléter, amie postière ou ouvrière, je me garderai bien de parler en ton nom, démerde-toi !), les mêmes brameront qu'il ne s'agit pas de littérature, que les émois d'une provinciale (montés à la capitale pour en décrocher les lauriers, ils ne snoberont jamais assez ceux qui leur ressemblent pour leur faire accroire qu'ils sont au-dessus du lot, par essence, par artisserie innée) aux extractions douteuses n'intéressent personne.

Je les chope parfois dans leurs péroraisons sur les ondes et en général, je coupe le son. Et, pour garder mon sérieux, tout en riant du monde qui m'entoure et que je suis parfois comme tout le monde bien obligée de subir, j'achète tout, absolument tout, sauf des livres écrits par des écrivains français.