mercredi 21 décembre 2011

Des frites, bordel !!! (Thomas Dutronc)

Au Cabaret-Vert, cinq heures du soir

Depuis huit jours, j’avais déchiré mes bottines
Aux cailloux des chemins. J’entrais à Charleroi.
Au Cabaret-Vert :  je demandai des tartines
De beurre et du jambon qui fût à moitié froid.

Bienheureux, j’allongeai les jambes sous la table
Verte : je contemplai les sujets très naïfs
De la tapisserie. — Et ce fut adorable,
Quand la fille aux tétons énormes, aux yeux vifs,

— Celle-là, ce n’est pas un baiser qui l’épeure ! —
Rieuse, m’apporta des tartines de beurre,
Du jambon tiède, dans un plat colorié,

Du jambon rose et blanc, parfumé d’une gousse
D’ail, — et m’emplit la chope immense, avec sa mousse,
Que dorait un rayon de soleil arriéré.

Octobre 70.
Arthur Rimbaud, Poésies, cahier de Douai