lundi 2 juin 2014

L'atelier - Deux jours, une nuit

L'Atelier - Samedi soir, pièce de théâtre jouée par une troupe d'amateurs, décor un peu trop déco (draps en lin partout, fer à repasser d'époque, machine à coudre Singer, je me souviens que c'était vachement à la mode à la fin des années 70, comme la nostalgie d'un âge d'or révolu et totalement vidé de toute sa vérité, avant que les années 80, le gris et le pointu ne viennent balayer tout ça), et puis hop ! d'un seul coup une des actrices se saisit d'une paire de ciseaux ornée de plastique rouge et rend encore plus palpables les efforts pour faire vrai et d'époque. Mais je fais ma pimbêche, la pièce était très bien jouée, avec juste ce qu'il faut d'hésitation et de trous de mémoire pour qu'on se rappelle qu'il s'agit d'un travail amateur.

La pièce, c'est L'Atelier, de Jean-Claude Grumberg : dans un atelier de confection parisien, les ouvrières et ouvriers (en l'occurrence, il n'y en a qu'un, le presseur) et les patrons réagissent différemment aux événements récents (il semblerait qu'il se soit passé un certain nombre de choses durant l'Occupation, dis donc !).

A la fin de la pièce (j'avoue que j'ai eu les larmes aux yeux à un moment et ça m'a énervée, je m'en voulais de réagir comme une midinette), j'attends ma belle-mère, partie embrasser un des jeunes acteurs qu'elle connaît. Une des actrices salue une jeune femme à côté de moi. 

« C'était bien, bravo ! Mais ça nous fait quand même un peu la morale ! » proteste avec vigueur la spectatrice.

Deux jours, une nuit -  Le patron de Sandra a organisé un vote dans son usine : Sandra conserve son emploi ou chaque employé touche une prime de 1 000 euros. Ses collègues ont voté pour la prime et donc pour le chômage de Sandra, mais le patron a accepté que le vote soit reconduit le lundi suivant, le contremaître ayant manifestement influencé la décision de certains ouvriers. Sandra a donc le week-end pour contacter ses collègues et les convaincre de renoncer à leur prime car elle veut conserver son emploi : son mari et elle ont contracté un crédit et ont besoin de son salaire. Bien entendu, pour les collègues de Sandra, 1 000 euros, c'est une forte somme (j'ai entendu à la radio une journaliste glousser sur la faiblesse de la somme). Pour ma part, je trouve le film gentillet et Marion Cotillard parfaite dans son rôle. Mon mari ressort tout énervé de la séance : 
« C'est quoi, ces connards qui participent à un vote aussi con ? 
- Ne me dis pas que tes dernières expériences dans le monde du travail ne t'ont pas ouvert les yeux sur certains comportements humains ? 
- Oui, sans doute, mais à une époque, le patron qui aurait imaginé un truc pareil, il avait droit à une grève direct !
- Les temps ont changé et tu le sais très bien.
- Mais je ne comprends pas qu'elle soit aussi gentille, cette nana !
- Tu as raison, moi aussi, je savais en allant voir le film que je risquais d'être agacée par sa gentillesse et sa compréhension générale. En même temps, tu en penserais quoi, d'une nana qui aurait tout le temps la bave aux lèvres ?
- Elle a quand même toutes les raisons d'être en colère, il me semble.
- On est d'accord. Mais les gens qui sont susceptibles de s'identifier aux collègues de Sandra, tu ne peux pas leur rentrer dedans et leur dire tout de go qu'ils sont des pourris et des connards, il faut être gentil avec eux, leur expliquer, les comprendre, enfin je suppose que c'est ce que se sont dit les réalisateurs. En même temps, les gens qui vont voir leurs films, c'est pas non plus des prolos... »

Le collectif de travail décrit par les frères Dardenne relève pour moi de la mythologie : les gens que j'ai côtoyés récemment dans le monde du travail auraient voté sans état d'âme aucun pour leur prime et sans doute aussi, et sans qu'on le leur demande, pour la lapidation de Sandra. 

Je sais, je ne suis pas gentille.